lundi 31 août 2009

Outrage

"Vous savez combien peu on doit attendre du raisonnement. Je veux ajouter que le Bon Dieu ne m'en impose d'aucune façon. Si jamais nous nous rencontrons, c'est plutôt moi qui lui ferais des reproches qu'inversement. Je lui demanderais pourquoi il ne m'a pas mieux doté intellectuellement; il ne pourra pas m'accuser d'avoir fait piètre usage de ma liberté. Je dois en effet vous dire que j'ai toujours été insatisfait de mon intelligence et que je sais très précisement les points où elle me fait défaut. Mais je me considère comme un homme hautement moral, qui peut souscrire à l'exellente maxime de Th.Vischer: ce qui est moral est toujours évident en soi. Il me semble que pour ce qui est du sens de la justice et de la considération envers ses semblables, de la répugnance à faire souffrir les autres ou à abuser d'eux, je peux rivaliser avec les hommes les meilleurs que j'ai connus. A vrai dire je n'ai jamais commis une action basse ou méchante et je n'ai jamais trouvé en moi-même la tentation d'agir de la sorte. Je n'en tire aucune fierté. Je comprends la moralité dont il est question ici dans un sens social, non sexuel. La moralité sexuelle telle que la société - et, au plus haut degré, la société américaine - la définit, me paraît extrémement méprisable. Je suis partisan d'une vie sexuelle beaucoup plus libre, même si je n'ai, pour ma part, que fort peu usé d'une telle liberté; je n'en ai profité que dans la mesure où j'étais convaincu de ce qui m'était permis en ce domaine. L'accent mis par le public sur les exigences éthiques me fait souvent une pénible impression." Lettre de S. Freud à James J. Putnam, 08. 07. 1915. and Amedeo Modigliani - Art Institute of Chicago

mercredi 26 août 2009

Over the lake

"Pendant les vacances de 189 ...
Je fis une excursion aux monts Tauern afin d'oublier un moment la médecine et surtout les névroses. J'y avais presque réussi quand, un jour, il m'arriva de quitter la route principale pour gravir une montagne des environs, renomée par son panorama et son refuge bien tenu. Parvenu au sommet et une fois réconforté et reposé d'une marche fatigante, je m'étais plongé dans la contemplation d'un point de vue magnifique, si oublieux de ma propre personne que lorsque j'entendis quelqu'un me demander :"Est-ce que Monsieur n'est pas médecin ?", je ne rapportai tout d'abord pas ces paroles à moi-même."
S. Freud et J. Breuer, Etudes sur l'hystérie, 1895, PUF, 1956. and the Lake Blue, in Queyras.

lundi 17 août 2009

Near the lake

"Les écrivains sont fragiles. Tous les êtres humains sont fragiles. Mais les écrivains sont vraiment des petites choses très fragiles qui peuvent se casser facilement. Oui, parce qu'on se remet en question à chaque roman qu'on écrit. L'écriture, ce n'est pas une affirmation, c'est une interrogation. C'est une enquête qu'on fait sur soi-même. On invente une histoire, mais en même temps on s'invente soi-même, on se cherche une réalité, une colonne vertébrale. On est jamais sûr de soi. On est jamais sûr d'avoir réussi."
J.M.G. Le Clezio, in interview, Le Monde, 11. 10. 2008. and Lac de Longet (Queyras), 2641 m.