jeudi 30 mars 2017

Passaggio degli Alpi

"Le lendemain, les barbares mettent moins de vivacité dans leurs attaques, et on parvient à réunir les troupes et à franchir les gorges avec une perte assez considérable, en chevaux toutefois plus qu'en hommes Dès lors, les montagnards ne se montrèrent plus qu'en petit nombre; c'étaient des brigands, plutôt que des ennemis, qui venaient fondre tantôt sur la tête, tantôt sur la queue de l'armée, selon que le terrain leur était favorable, ou qu'ils pouvaient surprendre ou les traînards ou ceux qui s'étaient trop avancés. Les éléphants dans les routes étroites, dans les pentes rapides, retardaient beaucoup la marche; mais leur voisinage était partout un rempart contre l'ennemi, qui n'osait approcher de trop près ces animaux inconnus. On fut neuf jours à atteindre le sommet des Alpes, à travers des chemins non frayés où l'on s'égarait souvent, soit par la perfidie des guides, soit par les conjectures de la défiance même, qui engageait au hasard les troupes dans des vallons sans issue. On s'arrêta deux jours sur ces hauteurs, pour donner aux soldats épuisés le repos nécessaire après tant de fatigues et de combats: là, plusieurs bêtes de somme, qui avaient glissé le long des rochers, regagnèrent le camp sur les traces de l'armée. Déjà des maux sans nombre avaient jeté les esprits dans l'accablement le plus profond; bientôt, surcroît de terreur!, on voit tomber une neige abondante; c'était l'époque du coucher de la constellation des Pléiades. On n'aperçut que monceaux de neige, lorsque, au point du jour, on se remit en marche; les Carthaginois avançaient à pas lents; l'abattement et le désespoir étaient peints sur tous les visages".
"Hannibal prend alors les devants, s'arrête à une sorte de promontoire qui offre de toutes parts une vue immense, fait faire halte à ses soldats, leur montre l'Italie, et, au pied des Alpes, les campagnes baignées par le Pô. "Vous escaladez, dit-il, en ce moment les remparts de l'Italie; que dis-je? les murs mêmes de Rome. Plus d'obstacles bientôt; tout s'aplanira devant vous: une bataille, deux tout au plus, et la capitale, le boulevard de l'Italie est dans vos mains, en votre puissance." L'armée poursuit sa marche. L'ennemi, il est vrai, ne venait plus l'inquiéter que par la surprise de quelques bagages, s'il en trouvait l'occasion. Au reste, la descente offrait bien plus d'obstacles que la montée, en ce que la pente des Alpes, qui, du côté de l'Italie, a moins d'étendue, est aussi plus rapide. En effet, presque tout le chemin était à pic, étroit et glissant: là, nul moyen d'éviter une chute; et, pour peu que le pied manquât, impossible de rester à l'endroit où l'on s'était abattu; en sorte qu'hommes et chevaux allaient rouler les uns sur les autres". Le texte de Tite Live [21,35] XXXV and  Le col clapier >>> ici

mercredi 25 janvier 2017

Scienza e arte

« L’art me conduit à retrouver l’épaisseur du monde que la science aplatit  » Ne s’agit-il pas là, tout simplement, d’une rencontre avec la philosophie ? S’il est vrai que, dans cet ouvrage, le style ne cède pas sur l’esprit tranché et railleur du scientifique, l’honnêteté et la clairvoyance sont au rendez-vous. Que manquerait-il ? Le ressenti, la palpitation du signifiant, le dépassement du raisonnement scientifique pour l’univers des concepts esthétiques. Mais il n’empêche : ce livre est une « sainte » colère, le témoignage précieux d’un scientifique grandissant au contact de l’art".





"La science n’est pas l’art, et force est de constater que l’union de ces deux univers ne peut exister qu’au mode de la négation. Une différence existentielle les sépare, et la définition que Lacan donne de chacun d’eux dans L’éthique de la psychanalyse apporte un nouvel éclairage : la science comble le trou du réel, alors que l’art organise l’espace autour de lui .
Ainsi l’expérience esthétique, comme en témoigne « à corps et à cris » l’auteur, se trouve être fondamentale et vitale, car elle seule nous permet de tenir debout au bord du trou, de soutenir un peu de ce réel qui insiste. Le pont des Arts que construit Jean-Marc Lévy-Leblond est une passerelle fragile posée au-dessus du vide, certes. Mais il rend possible le passage d’une rive à l’Autre".
Dorothée Marcinik (2011/2), La science n'est pas l'art, Brèves rencontres, n°27, Eres. and Le Musée Guggenheim, New York.

mardi 24 janvier 2017

Arte e scienza

"Toute nouvelle entreprise de recherche me replonge immédiatement dans cet état d’humiliante précarité mentale. À l’opposé de toutes les images d’Épinal, qui montrent la recherche scientifique comme un archétype de travail méthodique, conquête systématique et contrôlée de l’inconnu, c’est l’errance et la contingence qui y sont la règle. Précisément parce qu’il cherche ce qu’il ne connaît pas, le chercheur ne peut que passer le plus clair de son temps à explorer de fausses pistes, à suivre des intuitions erronées, à se tromper : la plupart des calculs théoriques sont incorrects, la plupart des manipulations expérimentales sont ratées – jusqu’au jour où…
Ainsi, le travail du chercheur professionnel ne ressemble-t-il en rien à celui du bon élève qu’il a sans doute été, et dont il a dû abandonner la trompeuse confiance en soi. Il lui a fallu dépouiller la peau du crack pour endosser celle du cancre : le chercheur, dans sa pratique effective, ressemble beaucoup plus au « mauvais » qu’au « bon » élève. Son seul avantage sur les laissés-pour-compte de la science scolaire est qu’il sait la nécessité et l’inéluctabilité de cette longue traversée de l’erreur, de cette confrontation avec les limites de sa propre intelligence. Pourquoi donc, à l’école, ne présentons-nous pas ainsi la science, telle qu’elle se fait ? Les élèves les plus en difficulté n’y trouveraient-ils pas quelque réconfort mental ?"
Jean-Marc Levy-Leblond (2013/3), Impasciences, Journal français de psychiatrie, n°18. and Michelangelo Merisi da Caravaggio, Les musiciens. 

mercredi 18 janvier 2017

Intermezzo