vendredi 27 avril 2012

vendredi 20 avril 2012

Cattivita alta

"Comment expliquer que ce soit précisément vivre, quoi que j'aie à vivre, qui constitue ma plus grande peur ? Comment expliquer que je ne supporte pas de voir, uniquement parce que
la vie n'est pas telle que je croyais mais tout autre-comme si j'avais su, avant, ce qu'elle était ! Pourquoi est-ce-que voir entraîne un tel bouleversement ? Et une désillusion. Mais désillusion de quoi ? Si, sans toutefois le sentir, je tolérais mal mon organisation à peine construite ? Peut-être la désillusion vient-elle de ne plus appartenir à un système. Mais cela devrait alors se dire ainsi : il est très heureux parce qu'il a enfin perdu ses illusions. Ce que j'étais avant ne m'était pas bon. Mais c'est à partir de ce pas-bon que j'avais construit le meilleur : l'espoir.
J'avais, avec mon propre mal, créé un bien à venir. La peur maintenant c'est que mon nouveau système n'ait pas de sens. Mais pourquoi est-ce que je ne me laisse pas guider par tout ce qui va désormais se produire ? Me voici obligée de courir le risque sacré du hasard. Obligée de remplacer le destin par la probabilité.
Les découvertes de l'enfance se feraient comme dans un laboratoire ou l'on trouve ce que l'on devait trouver ? Et c'est à l'âge adulte que j'aurais pris peur et créé la troisième jambe ? Mais aurais-je aujourd'hui, que je suis adulte, ce courage d'enfant qu'il faut pour se perdre ? Se perdre signifie chercher sans relâche, sans savoir quoi faire de ce qu'on pourra trouver. Avec les deux jambes qui se déplacent mais sans la troisième qui assure.
Or je veux être captive. Je ne sais que faire de cette liberté épouvantable qui peut me détruire. Étais-je plus contente, pourtant du temps ou j'étais captive ? Ou bien y avait-il, et il y avait, cette chose sournoise et inquiète dans ma routine de prisonnière ? ... Je sais qu'il me faudra prendre bien des précautions pour ne pas utiliser une de ces troisièmes jambes qui me poussent aussi facilement que de la mauvaise herbe, et pour ne pas appeller cette jambe de protection une "vérité". Clarice Lispector (1978), La passion selon G.H., trad. brésilienne. Claude Farny, Paris, Éd. Des femmes. and Art et Temples Maya, Palenque, Mexique, 2011.

mardi 17 avril 2012

Luce eterna

"Je décidai de ne pas quitter Nice et j'y demeurais pratiquement toute mon existence ... Je domine Nice, je suis au col de Villefranche, le soleil se lève derrière moi. Je vois les montagnes vers Cagnes se colorer d'abord."
"Ici c'est un pays où la lumière joue le premier rôle, la couleur vient après ... il faut avant tout sentir cette lumière, l'avoir en soi. "
"J

e voudrais que les gens sachent qu'il ne faut pas approcher de la couleur comme on entre dans un moulin,

qu'il faut une sévère préparation pour être digne d'elle."

"La plupart viennent ici pour la lumière et le pittoresque. Moi, je suis du Nord. Ce qui m'a fixé, ce sont les grands reflets colorés de janvier, la luminosité du jour .... J'adore le canotage. J'en fais tous les après-midi et je ne peins que le matin."
"La danse" ... puis "La chapelle du Rosaire" à Vence ... "Cette oeuvre m'a demandé quatre ans d'un travail exclusif et assidu, et elle est le résultat de tout une vie active." Signature de Matisse (1869-1954) and Matisse's Pictures.

dimanche 15 avril 2012

Felicità

"Mon mari. Je ne m'attendais pas à votre lettre de cet après-midi, le courrier arrive de plus en plus rapidement. Ici le soleil, vie tranquille, plaisante, dans ce magnifique pays où je vous attends, où je me rapproche de vous. Jamais je n'ai été si heureuse depuis que j'ai quitté notre logis, je suis heureuse éveillée, heureuse quand je dors, heureuse quand je marche dans les ronces, heureuse quand je lis des mots américains, quand j'écris mon livre, quand je lézarde au soleil; je vous aime ...
Avec vous, entre le plaisir et l'amour, je n'ai jamais senti de différence, pas plus qu'entre mon corps et mon esprit. C'est une femme complète qui vous désire. Je ne suis plus rien d'autre , désormais, que ce brûlant, fier, impatient et heureux désir de vous." Simone de Beauvoir, (1948), Lettres à Nelson Algren, Lundi 19 avril , Paris, Folio. and Lumière à Ramatuelle, St. Tropez.

jeudi 5 avril 2012

Foolish dream

"Chéri, pour une fois j'ai rêvé de vous, ça n'était pas une réussite. Quelque part à Paris, dans un grand bureau, mêlé à des Américains importants, par exemple à l'Unesco, tout changé de visage, sérieux, sévère, vous me reprochiez amèrement d'être venue vous voir, de vous compromettre, de vous donner mauvaise réputation. Je vous demandais, je vous suppliais de me laisser vous parler en privé, ne serait-ce que quelques minutes, mais vous rétorquiez froidement que vous reconnaissiez bien là un de mes comportements les plus pervers, et vous refusiez.
Je partais pleurant à chaudes larmes, convaincue que nous n'irions pas au Mexique, que je ne vous reverrai jamais. Des amis essayaient de me calmer, arguant que "tous ces Américains étaient à mettre dans le même sac, puritains, conformistes, respectueux des usages". Je n'en pleurais que davantage, au souvenir de certains passages de vos lettres, de certaines paroles, de votre vrai visage, je ne comprenais pas. Puis, toujours en rêve, venait l'illumination: "Ce n'est qu'un rêve !" Je me suis sentie quand même chose ce matin jusqu'à ce que par bonheur votre lettre arrive". Simone de Beauvoir (1948), Lettres à Nelson Algren, dimanche 4 avril, Folio. and Edicole Sacre, via MONTORO .

dimanche 1 avril 2012

Ode mistica

"Sois enivré d'amour

car l'amour est tout ce qui existe

L'amour est d'ordre universel.

Chaque instant qui s'écoule loin de l'amour

Est devant Dieu comme un objet de honte

Recherche le royaume de l'Amour

Car ce royaume te fera échapper à l'ange de la mort.

Les moeurs de l'amour ignorent les conventions.

Si tu es amoureux de l'amour, si c'est l'amour que tu recherches

Prends un poignard aiguisé et coupe le cou de la timidité

Et saches que la réputation est un grand obstacle sur ce Sentier."

Rûmî, Extrait "Odes mystiques". and Canal de Gairaut.