lundi 21 mars 2011

Anniversario

Deux mots, "Mundus Novus", inscrits en tête de sa lettre par lui-même ou par cet éditeur inconnu, et "Quatres Voyages", qu'il les ait ou non effectués, l'ont fait entrer dans le port de l'immortalité. Son nom ne peut plus être éffacé du livre le plus glorieux de l'humanité et si l'on voulait définir au mieux son apport à l'histoire de la connaissance de notre monde, peut-être faudrait-il enoncer ce paradoxe que Colomb a découvert l'Amérique mais ne l'a pas reconnue; tandis que Amerigo Vespucci ne l'a pas découverte mais l'a le premier reconnue pour ce qu'elle est: l'Amérique, un nouveau continent. Cet unique mérite reste rattaché à sa vie, à son nom. Car jamais un acte n'est décisif par lui-même; ce qui compte, c'est la connaissance de cet acte, et ses conséquences. Celui qui le raconte et l'explique devient souvent plus important pour la postérité que celui en est l'auteur et dans le jeu imprévisible des forces de l'Histoire, la plus légère impulsion peut produire les plus énormes effets. Celui qui attend de l'Histoire qu'elle soit juste, exige plus qu'elle n'ait d'humeur à donner : il arrive, qu'elle attribue l'exploit et l'immortalité à l'homme simple, moyen, et rejette les meilleurs, les plus vaillants et les plus sages, dans le ténèbres de l'anonymat." Stefan Zweig (1944), Amerigo, in Belfond, 1996. and International Psychanalitic Association ' life.

mardi 15 mars 2011

Eternity

"Il avait l'air au-dessus de tout, il avait l'air intouchable. Lui et sa musique: le reste ça ne comptait pas. "Tu ne dois pas t'imaginer que je suis malheureux : je ne le serai plus jamais." Ca m'en a laissé baba, cette phrase. Il n'avait pas l'air du gars qui plaisante, en disant ça. L'air de celui qui sait très bien où il va. Et qui y arrivera. C'était comme quand il s'asseyait au piano et qu'il commençait à jouer. Aucune hésitation dans ses mains. Ces notes, les touches semblaient les attendre depuis toujours, comme si elles n'avaient existé que pour ces notes là, et uniquement pour elles. On avait l'impression qu'il inventait dans l'instant: mais ces notes, quelque part dans sa tête, elles étaient écrites depuis toujours. Je sais maintenant que ce jour là Novecento avait décidé qu'il allait s'asseoir devant les touches blanches et noires de sa vie, et commencer à jouer une musique, absurbe et géniale, compliquée mais superbe, la plus grande de toutes. Et danser sur cette musique ce qu'il lui resterait d'années. Et ne plus jamais être malheureux." Alessandro Baricco (1994), Novecento:pianiste, Un monologue, trad. fr., Folio, Paris, 2006. and Brigitte Engerer au piano, 2009.

samedi 5 mars 2011

Immaginarsi

" Era difficile capire cosa mai potesse saperne lui di chiese, e di neve, e di tigri e ... voglio dire non c'era mai sceso, da quella nave, proprio mai, non era una palla, era tutto vero. Mai sceso. Eppure era come si le avesse viste, tutte quelle cose. Novecento era uno che se tu gli dicevi "Una volta son stato a Parigi", lui ti chiedeva se avevi visto i giardini tal dei tali, e se avevi mangiato in quel dato posto, sapeva tutto, ti diceva "Quello che a me piace, laggiù, è aspettare il tramonto andando avanti e indietro sul Pont Neuf, e quando passano le chiatte, fermami e guardarle da sopra, e salutare con la mano." "Novecento, ci sei mai stato a Parigi, tu ?" - "No" -"E allora." - "Cioè ... si." - "Si cosa ?" - "Parigi !" Potevi pensare che era matto. Ma non era cosi semplice ... Il mondo, magari, non l'aveva visto mai. Ma erano ventisette anni che il mondo passava su quella nave: ed erano ventisette anni che lui, su quella nave lo spiava. E gli rubava l'anima. In questo era un genio, niente da dire. Sapeva ascoltare. E sapeva leggere. Non i libri, quelli son buoni tutti, sapeva leggere la gente. I segni che la gente si porta addosso: posti, rumori, odori, la loro terra, la loro storia ... Tutta scritta, addosso. Lui leggeva, e con cura infinita, catalogava, sistemava, ordinava ..." Alessandro Baricco (1994), Novecento, Un monologo, Ed. Giangiacomo Feltrinelli, Milan. and Paris' Café de Flore.

mardi 1 mars 2011

Originally

"Ce n'est pas par hasard que mon père, pour désigner ces maisons de passage africaines, utilise le mot très mauricien de "campement". Si ce paysage le requiert, s'il fait battre mon coeur aussi, c'est qu'il pourrait être à Maurice, à la baie de tamarin, par exemple, ou bien au cap Malheureux, où mon père allait parfois en excursion dans son enfance.Peut-être a-t-il cru, au moment où il arrivait, qu'il allait retrouver quelque chose de l'innocence perdue, le souvenir de cette île que les circonstances avaient arrachées à son coeur ? Comment n'y aurait-il pas pensé ? C'était bien la même terre rouge, le même ciel, le même vent constant de la mer, et partout, sur les routes, dans les villages, les mêmes visages, les mêmes rires d'enfants, la même insouciance nonchalente. Une terre originelle, en quelque sorte, où le temps aurait fait marche arrière, aurait détricoté la trame d'erreurs et de trahisons." Jean Marie Gustave Le Clezio (2004 ), L'Africain, Mercure de France. and the house of Ombline Panon Desbassayns in St Gilles les Hauts, La Réunion .