lundi 31 août 2009

Outrage

"Vous savez combien peu on doit attendre du raisonnement. Je veux ajouter que le Bon Dieu ne m'en impose d'aucune façon. Si jamais nous nous rencontrons, c'est plutôt moi qui lui ferais des reproches qu'inversement. Je lui demanderais pourquoi il ne m'a pas mieux doté intellectuellement; il ne pourra pas m'accuser d'avoir fait piètre usage de ma liberté. Je dois en effet vous dire que j'ai toujours été insatisfait de mon intelligence et que je sais très précisement les points où elle me fait défaut. Mais je me considère comme un homme hautement moral, qui peut souscrire à l'exellente maxime de Th.Vischer: ce qui est moral est toujours évident en soi. Il me semble que pour ce qui est du sens de la justice et de la considération envers ses semblables, de la répugnance à faire souffrir les autres ou à abuser d'eux, je peux rivaliser avec les hommes les meilleurs que j'ai connus. A vrai dire je n'ai jamais commis une action basse ou méchante et je n'ai jamais trouvé en moi-même la tentation d'agir de la sorte. Je n'en tire aucune fierté. Je comprends la moralité dont il est question ici dans un sens social, non sexuel. La moralité sexuelle telle que la société - et, au plus haut degré, la société américaine - la définit, me paraît extrémement méprisable. Je suis partisan d'une vie sexuelle beaucoup plus libre, même si je n'ai, pour ma part, que fort peu usé d'une telle liberté; je n'en ai profité que dans la mesure où j'étais convaincu de ce qui m'était permis en ce domaine. L'accent mis par le public sur les exigences éthiques me fait souvent une pénible impression." Lettre de S. Freud à James J. Putnam, 08. 07. 1915. and Amedeo Modigliani - Art Institute of Chicago