vendredi 16 mars 2012

Accetare

"Ma patience porte ses fruits; je souffre moins; la vie redevient presque douce ...
L'avenir du monde ne m'inquiète plus; je ne m'efforce plus de calculer, avec angoisse, la durée plus ou moins longue de la paix romaine; je laisse faire aux dieux. Ce n'est pas que j'aie acquis plus de confiance en leur justice, qui n'est pas la notre, ou plus de foi en la sagesse de l'homme; le contraire est vrai. La vie est atroce; nous savons cela.
Mais précisément parce que j'attends peu de choses de la condition humaine, les périodes de bonheur, les progrès partiels, les efforts de recommencement et de continuité me semblent autant de prodiges qui compensent presque l'immense masse des maux, des échecs, de l'incurie et de l'erreur. Les catastrophes et les ruines viendront; le désordre triomphera, mais de temps en temps l'ordre aussi. La paix s'installera de nouveau entre deux périodes de guerre; les mots de liberté, d'humanité, de justice retrouveront ça et la le sens que nous avons tenté de leur donner. Nos livres ne périront pas tous ... J'accepte avec calme ces vicissitudes de Rome éternelle." Marguerite Yourcenar (1951), Mémoires d'Hadrien, Gallimard, Paris, 1971. and Villa Borghese, Roma.