Alors le jeune homme se tut. Et Zarathoustra regarda
l’arbre près duquel ils étaient debout et il parla ainsi :
" Cet arbre s’élève seul sur la montagne ; il a grandi
bien au-dessus des hommes et des bêtes. Et s’il voulait parler, personne ne pourrait le comprendre : tant il a grandi.
Dès lors il attend et il ne cesse d’attendre, – quoi
donc ? Il habite trop près du siège des nuages : il attend
peut-être le premier coup de foudre ? "
Quand Zarathoustra eut dit cela, le jeune homme
s’écria avec des gestes véhéments : " Oui, Zarathoustra, tu
dis la vérité. J’ai désiré ma chute en voulant atteindre les
hauteurs, et tu es le coup de foudre que j’attendais ! Regarde-moi, que suis-je encore depuis que tu nous es apparu ? C’est la jalousie qui m’a tué ! " – Ainsi parlait le jeune
homme et il pleurait amèrement. Zarathoustra, cependant, mit son bras autour de sa taille et l’emmena avec lui. Et lorsqu’ils eurent marché côte à côte pendant
quelques minutes, Zarathoustra commença à parler ainsi :
" J’en ai le cœur déchiré. Mieux que ne le disent tes paroles, ton regard me dit tout le danger que tu cours. Tu n’es pas libre encore, tu cherches encore la liberté.
Tes recherches t’ont rendu noctambule et trop lucide. Tu veux monter librement vers les hauteurs et ton âme
a soif d’étoiles. Mais tes mauvais instincts, eux aussi, ont
soif de la liberté."