mercredi 30 octobre 2013

Aspettando Godot


"Comme si j'avais tout simplement oublié d'attendre, attendre de la seule manière qui ait un sens. Aujourd'hui, avec le recul, j'ai tout loisir de repenser à cela. Et je commence à comprendre que mon impatience me fit succomber justement à ce que j'avais toujours soumis à une analyse critique.
Je succombai à cette forme d'impatience, ô combien destructrice, de la civilisation technocratique moderne, imbue de sa rationalité, persuadée à tort que le monde n'est qu'une grille de mots croisés, où il n'y aurait qu'une seule solution correcte — soi-disant objective — au problème ; une solution dont je suis seul à décider de l'échéance. Sans m'en rendre compte, je succombais, de facto, à la certitude perverse d'être le maître absolu de la réalité, maître qui aurait pour seule vocation de parfaire cette réalité selon une formule toute faite. Et comme il revenait à moi seul d'en choisir le moment, il n'y avait aucune raison de ne pas le faire tout de suite. Bref, je pensais que le temps m'appartenait. C'était une grande erreur... Il ne faut pas attendre Godot. Godot ne viendra pas car il n'existe pas. Il est d'ailleurs impossible d'inventer Godot. L'exemple type d'un Godot imaginaire, celui qui finit par arriver, donc un faux, le Godot qui prétendait nous sauver mais qui n'a fait que détruire et décimer, ce fut le communisme." Discours de Vaclav Havel lors de son installation comme membre associé étranger à l'Académie des Sciences Morales et Politiques, samedi 27 octobre 1992. and Vallée de la Haute Tinée,  le Gué de Vens.