samedi 4 juillet 2009

Wall

"La mer est belle, au crépuscule. L'eau, la terre, le ciel se mélangent. Il y a une brume qui traîne et cache l'horizon, imperceptiblement. Et le silence, malgré le mouvement des auto, malgré les pas des habitants. Tout est calme sur la digue, là où Esther est assise. Elle regarde devant elle, presque sans cibler. Il y a plusieurs jours qu'elle vient à cet endroit, quand le soleil décline, pour regarder la mer. Ce soir c'est la dernière fois ...
Chaque soir, à la même heure, les pêcheurs viennent s'installer. La mer est entrée en elle, avec son ressassement, les éclats de la lumière réfractée. C'est l'heure où tout bascule, où tout se transforme. Il y a si longtemps qu'elle n'a pas connu une telle paix, une telle dérive. Elle se souvient ...
C'était la radio des Americains, en Sicile, à Tanger, la musique de jazz trouait la nuit par bouffées, comme aujourd'hui, on allait on ne savait où, perdus dans l'espace. Cela s'éloignait, revenait, la voix puissante, rauque, Billie Holiday qui chantait Solitude et Sophisticated Lady ... Jealous Heart. Esther se souvient de l'air, elle le chantait à voix basse, quand elle marchait dans la rue."
JMG Le Clezio, Etoile errante, Gallimard, Paris, 1992. and Billie Holiday, in the nice port