vendredi 4 septembre 2009

Amok two

"La critique ne saura probablement pas apprécier cette oeuvre. Elle n'atteindra pas à la sincérité de l'auteur et déplacera l'accent sur quelque chose d'accessoire, cherchera la "confusion des sentiments" dans la relation amoureuse avec la femme du professeur admiré. Mais la femme est dans ce contexte uniquement un personnage de contraste. Le conflit consiste exclusivement dans le fait que l'adolescent voudrait répondre à l'amour de l'homme, mais ne le peut pas à cause d'un mystérieux interdit intérieur.
Si je compare vos nouvelles avec les oeuvres de l'homme auquel nous devons reconnaître l'émotion la plus profonde causée par l'inconscient refoulé, la différence est à votre avantage. Dostoïevski est un névrosé d'une grande perversité, et l'on observe dans sa production une tentative égoiste pour relâcher, du moins par une satisfaction symbolique, la tension de ses pulsions; cela faisant, il profite de l'occasion pour effrayer le lecteur et le maltraiter. (Au contraire) Votre type est celui de l'observateur de celui qui écoute et lutte de manière bienveillante et avec tendresse, afin d'avancer dans la compréhension de l'inquiétante immensité. Vous n'êtes pas vous même violent.
Au lieu de vous demander pardon pour ce petit morceau de vivisection, je vous remercie et vous salue cordialement." Berggasse 19, Vienne IX°, 4 sept. 1926.
S. Freud, Correspondance avec S. Zweig, à propos de sa nouvelle "La confusion des sentiments", in "Verwirrung der Gefühle" avec "Vingtquatre heures de la vie d'une femme" et " Destruction d'un coeur", 1927, Leipzig. and Egon Schiele (1890-1918), Etreinte, Palais du Belvédère, Vienne.