mardi 8 septembre 2009

Slow

"Il ne pouvait s'empêcher de penser sans cesse à ses lèvres, ses lèvres qu'il avait connues d'une autre manière que lors de cette paisible conversation familière. Et il sut tout d'un coup que tout ce bavardage placide n'était que mensonge, qu'il y avait encore dans leur relation quelque chose de refréné et d'irrésolu et que toute cette amitié n'était qu'un masque plaqué sur un visage nerveux, changeant, troublé par l'inquiètude et la passion. Trop longtemps, pendant trop de nuits, autour du feu de camp, là-bas, dans son baraquement, trop d'années, trop de jours, il s'était imaginé autrement ces retrouvailles ... pour que cette façon d'être amis, de bavarder poliment et de refaire connaissance, pût être tout à fait sincère. Comédien, se dit-il, et comédienne, l'un envers l'autre, mais personne ne trompe l'autre pourtant. " Stefan Zweig, 1929, suite in Le voyage dans le passé, tr. fr. Ed. Grasset, 2008. and Édouard Manet (1832-1883), Le Déjeuner sur l'herbe , in Musée d'Orsay, Paris.