lundi 7 septembre 2009

Over there

"Non il ne fallait pas y penser, juste se laisser emporter par une puissance invisible, abandonné, les membres détendus, en attente de quelque chose de mytérieux. C'était une sorte de veillée nuptiale, suave et sensuelle et à laquelle pourtant se mêlaient aussi obscurément l'angoisse de l'accomplissement, ce frisson mystique qui vous prend, quand, soudain, ce à quoi on a infiniment aspiré devient palpable, s'approche d'un coeur qui n'ose y croire. Non, pour le moment, ne penser à rien, ne rien vouloir, ne rien désirer, juste rester ainsi, entraîné vers l'incertain comme vers un rêve, porté par un flux inconnu, percevant à peine son corps, s'en tenant à un désir sans but, balloté par le destin et en plein accord avec soi-même. Juste rester ainsi, des heures encore, une éternité, dans ce crépuscule prolongé, nimbé de rêves : mais déjà comme une légère appréhension, la perspective d'une fin imminente se profilait. Les étincelle électriques de la vallée voltigeaient comme des lucioles, ça et là, de tous cotés, de plus en plus lumineuses, des réverbères défilaient en une double rangée rectiligne, les rails cliquetaient, et, dans l'obscurité émergeait une coupole de fumée blanche." Stefan Zweig, 1929 (suite), Le voyage dans le passé, tr. fr. Ed. Grasset, 2008. and Towers of Chicago, America. (the world of yesterday's humanist today )