samedi 20 février 2010

Sculptor

"C'est alors que Rodin avait découvert le fondement de son art, pour ainsi dire la cellule première de son univers. C'était la surface, cette surface, d'une autre grandeur, d'une autre tonalité, cette surface bien précise à partir de laquelle tout devait être fait. Dès lors elle devint le matériau de son art, ce pour quoi il se donnait de la peine, et ce pourquoi il veillait et souffrait ...Ce n'était pas de l'orgueil chez lui. Il se rattachait à cette beauté discrète et pesante, qu'il était encore en mesure d'appréhender d'un coup d'oeil, d'appeler et de redresser. L'autre beauté, la grande devait arriver quand tout serait fini, tout comme les animaux arrivent à l'abreuvoir lorsque la nuit a pris fin et que plus rien d'étranger ne hante la forêt.

C'est par cette découverte que commença le travail le plus personnel de Rodin. C'est seulement à partir de ce moment que les concepts habituels de la plastique perdirent pour lui toute leur valeur. Il n'y avait plus ni pose, ni groupe, ni composition. Il y avait seulement une infinité de surfaces vivantes, il n'y avait que la vie, et le moyen d'expression qu'il s'était trouvé, allait précisément à la rencontre de cette vie. Maintenant il s'agissait de se rendre maîre d'elle et de sa plénitude. Rodin empoignait la vie, qui était partout où il portait son regard. Il la saisissait par leurs plus petits endroits, il l'observait, il la suivait. Il l'attendait aux passages où elle hésitait, il la rattrapait là où elle courait et où que ce soit, il la trouvait partout aussi grande, aussi puissante et entraînante. Là aucune partie du corps n'était insignifiante ou négligeable: elle vivait." Rainer Maria Rilke (1902) ,"Auguste Rodin" in Oeuvres Poëtiques Vol. III, Ed. Insel Verlag, 1966. trad. fr., Ed. La part Commune, 2007. and Auguste Rodin (1840-1917), Femme accroupie, Musée Rodin, Paris 7.